1/ L’annonce de ce dernier en septembre 2013 a été faite via un court trailer avec P-Thugg au volant d’une voiture « Just Married ». Quelle était l’idée derrière ce choix de scénographie où le thème du « mariage » est omniprésent ?
Dave : C’est nos D.A (Directeurs Artistiques) qui sont chez Surface To Air, une boite parisienne, qui ont eu l’idée de décliner le thème du mariage à partir du titre de l’album où les « White Women » seraient les mariées.
On a comme instauré le thème du mariage avec ce trailer pour ensuite le décliner partout comme dans la vidéo de « Jealous ».
La première image, celle qui résumait un peu tout, c’est la voiture « Just married » qui part vers l’horizon avec au lieu des canettes des synthés et nous deux dans la voiture.
À partir de là on a fait le trailer et la couverture de manière rétroactive.
2/ Dans votre AMA (Ask Me Anything) sur Reddit, vous expliquez que le titre de l’album fait référence au titre du premier livre d’Helmut Newton (un livre de photo érotique). Je sais que « P » n’était pas trop d’accord au départ sur ce titre.
Quelles ont été vos autres influences sur ce disque ?
P : C’est vrai que je n’étais pas d’accord sur le titre, j’étais un peu réticent, mais on l’était tous les deux et c’est quand même un titre magnifique. Il y a matière à controverse, mais on en a parlé puis Dave m’a convaincu.
Dave : Du coup, on s’est dit qu’on allait faire exprès d’être mal interprété ou bien accueillir une mauvaise interprétation pour ensuite encourager un dialogue plus fécond. L’Amérique est plus conservatrice et puritaine que la France par rapport à ce genre de choses.
Sur nos influences, on écoutait un peu de disco, plus disco que funk au début. On commence toujours par des sources années 80 puis après ça, on s’étend. Il y avait du Electric Light Orchestra, ABC, ABBA puis après ça le funk habituel.
Ensuite on écoutait de la musique qui vient de sortir ou des trucs récents qu’on aime, que ce soit The Weeknd, Blood Orange, Drake. La même musique que tout le monde écoute en fait, mais qui pour nous est aussi source d’influence.
C’est digéré, passé à travers un prisme Chromeo donc ça ne s’entend pas forcement.
3/ Sur cet album, vous avez travaillé avec beaucoup de guests. Dans une interview réalisée par Exclaim!, vous annonciez que le fait de travailler avec eux a changé votre approche du studio.
Comment se sont passées ces collaborations ? (avec Solange, Toro y Moi, Ezra Koenig, Oliver, et Pat Mahoney) ?
Dave : Pat Mahoney, le batteur des LCD Soundsystem, habite à deux pas de chez moi, je le vois tout le temps au restaurant. On ne se disait pas vraiment « Bonsoir » puis je suis allé au show des LCD au Madison Square Garden et il a fait un solo incroyable.
Pour « Sexy Socialite », le morceau avait cette espèce de beat « up-tempo ». En fait, nous il nous rappelait les vieux morceaux de LCD Soundsystem au niveau de la musique, donc on s’est dit qu’on devrait avoir le batteur pour avoir cette touche.
Du coup, j’ai récupéré son numéro ou son email je ne sais plus. Son management nous avait dit qu’il ne faisait rien puis quand je l’ai eu au téléphone il était partant.
Pareil pour Toro Y Moi, je ne le connaissais pas. Les autres, Ezra par exemple c’est un de mes meilleurs amis puis Solange on la connait bien aussi, mais Toro Y Moi on ne le connaissait pas et en fait il y a pleins de filles qui me parlaient de lui.
Toutes les filles sont amoureuses de lui et j’ai commencé à écouter sa musique et c’est vraiment vraiment bon ce qu’il fait.
Je lui ai écrit un mail et il était déjà fan du groupe.
De futures collaborations sont-elles à prévoir avec Gonzales, Banks, et HAIM ?
OUAIS ! Gonzales, merde, j’ai oublié de parler de lui. Il était censé être sur l’album. On se parle beaucoup, mais ça ne s’est pas fait.
4/ La brosse à dents dans la poche arrière au début du clip de Night by Night est une référence à une photo de Robert Mapplethorpe.
Encore une fois, on sent un lien fort avec la photo. D’où vous vient ce lien si spécial et cette envie de le faire transparaître dans vos clips ?
Dave : Bonne question, bonne question !
Il y a d’ailleurs une rétrospective au Grand Palais de Paris en ce moment, je viens de voir ça. J’espère avoir le temps d’y aller.
Là encore, c’est avec nos D.A. Ils ont réalisé plusieurs de nos clips et c’est eux qui font nos couvertures d’albums, c’était une de leurs idées.
En fait, on ne cache pas le partenariat qu’on a avec des boites comme Surface To Air et le fait que beaucoup de projets qu’on fait sont coopératifs ou collaboratifs.
C’est juste qu’avec Chromeo il y a une esthétique tellement forte qui se dégage que tout à l’air organique, mais il y a beaucoup de gens derrière.
Pouvez-vous nous révéler une ou deux autres références cachées dans vos clips ?
Dave : Ahhh, bonne question !
En fait les blogueurs c’est eux qui posent les meilleures questions. Tous les journalistes posent des questions ringardes et les blogueurs sont toujours au-dessus.
Les synthés dans « Over Your Shoulder », c’est une référence à un morceau de Steve Miller Band (Fly Like An Eagle). Il y a la même petite montée, refaite à notre façon, mais c’est une référence.
Sexy Socialite, hyper influencé par « Looking For Clues » de Robert Palmer avec le même tempo.
P : Beaucoup de références sur « Somethingood » qui utilise des progressions, des mouvements qui étaient classiques dans des groupes des années 80. Le piano à l’envers du début.
Dave : Si t’es vraiment une tronche comme nous, un vrai branleur, tu peux trouver plein de trucs, mais c’est ça qu’on aime.
On truffe notre musique de ce genre de référence et après ceux qui ne trouvent pas, ce n’est pas grave. Ça n’exclut pas ceux qui ne trouvent pas. Ça donne plusieurs niveaux, ça donne une profondeur à la musique.
P : Le soul guitar aussi de « Somethingood ».
Dave : Ce qui est dingue, c’est qu’il y a des gens l’ont grillé sur Twitter genre « ouais, on dirait David Gilmour de Pink Floyd et nous quand on a fait le solo c’est à ça qu’on pensait.
Ça, c’est incroyable quand tu peux avoir ce dialogue différé avec les fans qui se rendent compte de ce à quoi tu pensais quand tu faisais un truc.
Mortel !
5/ Vous aimez le cinéma, est-ce que vous auriez envie de collaborer avec des réalisateurs sur une bande-son pour un film ?
Dave : Ouais, complètement !
Pas forcément avec des réalisateurs en particulier, mais ça serait de faire des sujets. Il se fait tellement de remakes de film des années 80, genre Ghostbusters, ça serait à nous !
Ou « Beverly Hills Cop », les films de notre enfance, ça serait cool. Parce qu’après les réalisateurs, c’est dur.
En fait, ça aurait été cool en même temps, un film comme « American Hustle » par exemple.
La BO était incroyable, la meilleure de l’an dernier. Tous les morceaux tu les gardes, mais toute la musique à la Chromeo ça aurait été mortel, un jour !
Je ne suis pas très fan de Tarantino à la base, mais s’il fait un film dans les années 80 ça pourrait être drôle de réaliser ça. C’est le truc à rêver, plus tard dans la carrière peut-être.
P : S’il réapproprie son style dans les 80’ au lieu des 70’, ça pourrait marcher.
Dave : Il peut ! Je ne suis pas très fan de Tarantino, mais le dernier était bon n’empêche. C’est son meilleur n’empêche, à part Pulp Fiction. J’ai attendu des mois avant de le voir parce que je n’avais pas du tout aimé « Inglorious Bastard ».
J’avais attendu un truc sur l’esclavage et j’avais peur, car tout le monde faisait un truc du morceau de Rick Ross. Puis je l’ai vu et c’était hyper bon.
6/ Vous êtes l’une des rares collaborations « juive-arabe » dans le monde la musique. Est-ce que vous n’auriez pas envie de participer à un événement, pour envoyer un message fort sur ce qu’il se passe là-bas ?
Dave : Je crois qu’il en existe d’autres dans la musique classique, mais on est les plus sexy, ça c’est sûr !
P : S’il y a un événement approprié. Un nouveau « Live Aid » pour le Moyen-Orient, pourquoi pas.
Dave : Ouais, ça serait cool. Mais en même temps tu sais, les « Live Aid » ça marchait parce que ce n’était pas engagé. Nous on est tellement pacifiste que nos vues pacifistes pour le Moyen-Orient c’est des vues engagées.
Il faudrait qu’il y ait un vrai truc. Pour le moment on n’a pas faire de concert la bas, c’est une sorte de boycott passif, jusqu’au jour où on pourra dire qu’on s’identifie à la situation.
Même en Amérique et Europe. Autant en Europe, il y a des dangers d’antisémitisme qui font peur. En France, s’il y en a qui font peur, parfois il ne faut pas être parano. À l’inverse, aux États-Unis, il y un discours qui soutient Israël, mais sans la moindre critique et ça aussi ça fait peur pour nous.
C’est dur de se prononcer d’un côté ou de l’autre. La position la plus dure à tenir c’est la nuance. Il y a des beaux films qui sont sortis récemment sur le sujet comme « Five Broken Cameras ».
Si on voulait se ranger derrière un discours, ce serait peut-être ce film-là.
Merci beaucoup !
Merci à vous !